NOUS RACONTIONS UNE BELLE HISTOIRE, CELLE DU BOCUSE D’OR…
Le Bocuse d’Or !
Un sacré bail. Et des noces de perle pour le concours culinaire mondial « inventé » par Paul Bocuse dont on a donné le nom à ce trophée convoité. En or. Fatalement.
Collonges-au-Mont d’Or. Neuf heures à l’horloge. Paul Bocuse est là, dans le fauteuil de sa salle à manger, dos tourné à la fenêtre. Les murs de la pièce sont tapissés de photos, les étagères chargées de bibelots, statues, livres. Souvenirs de toute une vie à travers la famille et les copains.
Il est là. Habillé en civil, l’air songeur. Rêveur même. Avec lui, au jour le jour, quelques fidèles qui lui rendent visite. Échangent, papotent, se taisent, profitent du moment.
De temps en temps, pause forcée. Les yeux de « Monsieur Paul » se ferment. Comme s’il partait dans une grande rêverie. Remuait ses souvenirs.
Comment ne pas imaginer un retour en arrière d’une trentaine d’années ? À cette époque, Albert Romain avait lancé son Salon des Métiers de Bouche à Lyon et cherchait une idée pour le relancer. Un concours peut-être ? À qui d’autre qu’à l’Empereur des Gueules pouvait-il s’adresser ?
Ce qui fut donc fait…
« Mobilisons, faisons bataille, nous travaillerons tous les jours
On dépêcha un émissaire, pour amener la suggestion
Au Chef le plus populaire, devenu chargé de mission
Il trouva l’idée séduisante, délivrant vite son accord
La formule était épatante, ce fut donc le Bocuse d’Or ».
Paul s’amuse quand on lui rappelle ces quelques vers écrits à l’époque. Et il plonge dans ses souvenirs. La rencontre avec le sculpteur César, proche de Roger Vergé, son fidèle ami de Mougins, chargé de créer le trophée. Le choix de proposer les mêmes ingrédients à tous les concurrents qui devront les préparer à la mode de leur pays. La sélection de Jacky Fréon pour représenter la France et qui, quelques semaines plus tard, ouvrira le palmarès.
Paul y pense. Fatalement. Et se souvient de ces joutes, devant le public, dans une ambiance rappelant celle d’un stade de football. Il jubile. Il savoure. Après avoir fait sortir les chefs de leur cuisine, il démontre que l’art de cuisiner peut devenir spectacle.
Il pense aussi à Léa Linster, victorieuse en 1989 et la seule femme à ce jour à l’avoir emporté. Puis à Michel Roth couronné en 1991 et le seul Meilleur Ouvrier de France qui figure aussi au palmarès du Bocuse d’Or (1) et du Prix Taittinger, les deux concours culinaires emblématiques.
Même si, parfois, quelques douleurs viennent troubler sa quiétude, Bocuse est heureux. Il pense à ces trois étoiles qui brillent depuis 1965, un authentique record de longévité qui restera inégalé. À ce titre de Meilleur Ouvrier de France glané en 1961 et qu’il veut considérer comme sa plus belle distinction.
À ses glorieux aînés, Eugénie Brazier « la Mère qu’on entend gueuler la soir au col de la Luère » et Fernand Point qui à Vienne a inventé les « relations publiques ».
À ses contemporains, les Charles Barrier, Alain Chapel, Michel Guérard et Jean Troisgros entre autres avec qui il a redoré le blason de ses cuisiniers longtemps confiné dans les sous-sols comme l’étais son père Georges et qu’il a contribué à mettre en pleine lumière.
Il sourit et jubile à l’idée que le « cru 2017 » du Bocuse d’Or va faire s’enflammer les tribunes d’Eurexpo. Comme pour un derby Olympique Lyonnais-AS Saint-Etienne de football au Parc O.L de Décines, tout près de là, où la Brasserie des Lumières à ouvert ses portes.
Ah, les brasseries… quelle histoire !
(1) Vainqueur en 2001 puis M.O.F. six ans plus tard, François Adamski figure comme Roth au palmarès des deux concours. Tout comme Fabrice Desvignes Bocuse d’Or en 2007 et M.O.F. en 2015 tandis que Régis Marcon, Bocuse d’Or 1995 et vainqueur du Taittinger six ans plus tôt est le seul à avoir obtenu trois étoiles au Guide Michelin.
@Jean-François Mesplède